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Photo du rédacteurRenan Clorennec

LE NAUFRAGE DU KRAKEN LE 12 AVRIL 1932

Dernière mise à jour : 6 févr. 2021

Dans un article paru sur ce même le blog et publié le 27 octobre dernier, j'évoquais le destin de Sébastien Le Bec, marin à la pêche et à la plaisance, demeurant à Kerlidou.

C'est lui qui en avril 1932 commandait le "Kraken", un yacht de 17 mètres qui fit naufrage en Méditerranée.

Les circonstances de ce naufrage ont été relatées dans un article du Ouest-Eclair du 20 avril 1932.

A l'origine de cette épopée on trouve M. Paul Jachiet, bien connu des bénodétois car propriétaire de la villa "Ker Bonnaventure", construite entre 1926 et 1928 au port de Bénodet.

"M. Paul Jachiet, négociant parisien demeurant 6. rue Caffarelli, et fervent ami de la mer ainsi que du Yachting qu'il pratique le plus souvent à Bénodet n'hésita pas à confier à quatre marins bretons le soin de conduire de Marseille à Bénodet le Kraken, yacht de 17 mètres environ de longueur qu'il avait acquis l'an dernier d'un armateur de Bruxelles, M. Gérard de Buyl. Les quatre marins étaient Le Bec, Helias, Boussard et Le Cossec, tous gens sérieux ayant fait leurs preuves et en les qualités desquelles on pouvait avoir la plus entière confiance".

Les 2 premiers habitaient Bénodet.Le patron Bastien Le Bec à Kerlidou, Alain Boussard demeurant rue Laënnec. Jean Noël Hélias était de Ste Marine (époux de Marie Le Marc, fille du gardien de phare) et Georges Le Cossec de Loctudy.

" Tout étant paré. nous dit le patron Le Bec, et nos papiers en règle, nous quittâmes Marseille le 10 au matin dans l'intention de faire escale à Carthaqène pour nous y assurer un nouveau ravitaillement et de là gagner le détroit de Gibraltar. Il faisait beau temps et rien ne semblait indiquer une mer mauvaise. Cependant le soir. alors que nous nous trouvions dans le Golfe du Lion, à environ 60 milles de Marseille. le vent fraîchit et nous trouvâmes une mer démontée qui obligea l'équipage à se mettre à la cape, après avoir réduit en voilure tout ce qu'il était possible. Les pompes fort heureusement étaient franches".


La voie d'eau

"Dans la nuit du 10 au 11 avril, continue-t-il. les lames déferlaient sur nous. nombreuses et rapides. Bientôt l'homme de quart à la pompe vint me rendre compte qu'une vole d'eau s'était déclarée à bâbord par le travers du mat. Cette voie d'eau put être obstruée par une voile que je fis clouer. Vers 8 heures du matir, le Kraken se trouvait au large du cap de Créus. La journée du 11 fut normale pour la navigation".


le yacht doit être abandonné et coule

"Bientôt, cependant, les éléments s'agitent à nouveau et un fort vent, une véritable tempête. souffle du Sud Est et sous son action la mer se démonte à l'extrême. Dans la matinée du 12 et toute la journée, l'équipage lutta héroïquement pour sauver le navire.

Le soir, continue Le Bec, je virai de bord, parce que nous étions trop près de terre. Le Kraken, debout à la lame, fatiguait beaucoup et presque immédiatement, sous le choc d'une lame plus violente' que les autres, la réparation provisoire effectuée la veille céda et l'irruption de l'eau fut si violente qu'avec la pompe et trois seaux, il fut impossible de vider le bateau. Nous étions parvenus à hauteur de Villanueva Y Geltru, non loin de Barcelone.

Après deux heures de lutte, l'eau arrivant jusqu'au parquet et tout espoir de sauver le bâtiment étant perdu, je donnai l'ordre de mettre le canot à la mer. Cet ordre ne put être exécuté que très difficilement, en raison de l'état de la mer. Le Kraken fut abandonné à 21 h. 40. Il coula sous nos yeux quelques instants après".


Le sauvetage

Le patron Le Bec continue son témoignage: « Le canot nous recueillit tous quatre. Notre situation était périlleuse car nous ne pouvions approcher de la côte nulle part, en raison des brisants particulièrement dangereux à ces endroits.Nous voguâmes ainsi deux heures au gré des vagues qui se succédaient toujours avec violence et menaçaient de nous submerger à tous instants. Toutefois, vers 22h30 , alors que nous étions à un mille de la côte, devant Villanueva, nous apercumes une barque à laquelle nous fîmes des signaux de détresse. C’était le bateau Ausias-March, patron Ramon Pla, qui avec le plus grand courage et malgré les brisants, n’hésita pas à venir à notre secours et à nous recueillir à son bord. Nous étions épuisés de fatigue. Les marins espagnols nous prodiguèrent les plus grands soins et nous offrirent leur propre nourriture. Ils nous conduisirent ensuite à Barcelone, où nous pûmes nous reposer le restant de la nuit ».


La route (imaginée) du Kraken depuis Marseille


L’accueil à Barcelone

" Le lendemain13 avril, les braves sauveteurs espagnols conduisirent nos compatriotes au consulat de France à Barcelone où Mr Morawiecki, consul général, prit leurs déclarations et leur réserva le meilleur accueil, s’inquiétant de leurs besoins, les réconfortant et les guidant dans ce pays, pour eux, inconnu.

La population, de son côté, se montra des plus sympathiques à leur égard".

« Nous avons été enchantés de notre court séjour en Espagne, nous déclarent, d’une voix unanime les quatre rescapés. Dîtes bien quelle vive reconnaissance nous gardons au patron Ramon Pla et à son équipage, à Mr le Consul de France et à la population de Barcelone ».

A Bénodet

L’équipage du Kraken n’a pu être rapatrié que le 15 avril, le 14 étant jour de fête nationale de la République espagnole. Les quatre marins débarquèrent donc le 16 à Paris où, sur le quai de la gare, les attendaient M. Jachiet et quelques membres de sa famille. Réception émouvante s’il en fut.

Hier soir 19 avril, ils s’embarquèrent pour Quimper où ils sont arrivés par l’express de ce matin, heureux de fouler à nouveau le vieux sol breton qu’ils avaient quitté le 1er mars dernier.

Dans la journée, le patron Le Bec, a rejoint Bénodet où nous avons pu les rencontrer, ainsi que ses matelots.

Tous quatre sont mariés ; Le Bec a trois enfants, Boussard deux enfants et Hélias un enfant. Et dans les familles ce fut un beau moment que celui où l’époux, le père, pressèrent sur leur cœur les êtres chers ; ceux auxquels ils avaient toujours pensé au moment du péril extrême.

J.Corcuff Ouest-éclair 20 avril 1932


Sébastien Le Bec, le valeureux patron, décédé le 19 juillet 1932 à Bénodet dans sa 38 ème année.


Alain Boussard qui connu une épopée d'un autre genre entre 1940 et 1944.(on en reparlera).

Photo probable de l'équipage du "Kraken"

Sébastien Le Bec est à droite, à côté d'Alain Boussard. Les deux de gauche sont probablement jean Noël Hélias et (ou) Georges Le Cossec.

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