Les hommes de 16 à 60 ans* furent appréhendés vers 5 heures du matin à leur domicile et rassemblés dans la cour de l’Hôtel Bellevue. Un officier allemand leur apprit qu’un soldat avait été retrouvé mort la veille, à 400 mètres du bourg et un autre blessé. Puis vinrent les menaces, toujours les mêmes en pareilles occasions :
- « Si les coupables ne sont pas identifiés, des sanctions seront prises contre la population »
Et comme personne ne semblait au courant de cette affaire, l’officier poursuivit dans un silence glacial :
- « Bien sûr, vous préférez croire tout ce que dit la radio anglaise ou américaine ; sachez cependant que nous sommes et resterons les vainqueurs. Ah ! Vous qui nous frappez dans le dos, vous oubliez que nous donnons notre sang pour la défense de l’Europe… et de la France. »
Vers 14 heures « les vainqueurs » libérèrent les otages, à l’exception de trois jeunes gens : MM Jean Le Nours, Yves Le Ster et Pierre Ragot.
Ils furent relâchés par la suite.
Archives départementales du Finistère- Fonds Alain Le Grand 208 J 90 Rapport des renseignements généraux
* Dans un témoignage récent, Joseph Jourdren, 12 ans à l'époque, se souvient d'avoir été sorti du lit par des soldats allemands, accompagné son père, et attendu, debout dans la cour de l'hôtel, avant d'être relâché avec les adultes présents.
La cour de l'hôtel Bellevue tenu par la famille Charretour.
Voici ce qu’en dit Yves Corporeau qui se souvenait d’entendre son père évoquer cette journée.
"Les Allemands avaient assez vite sorti mon père du rang compte tenu de sa profession qui était nécessaire à la vie quotidienne de la population. (Il était boulanger rue de l'église).
La rafle avait bien sûr semé la panique dans les maisons du village où les épouses et mères ne savaient à quel saint se vouer en attendant le dénouement de l'affaire".
Témoignage de Louis Nicolas :
»..A partir du moment où a été institué le STO, les troupes allemandes et la police françaises ont découvert une nouvelle manœuvre : Les rafles. Il s’agit de « ramasser » un grand nombre d’hommes, jeunes de préférence. Les identités des victimes sont vérifiées, les gens « en règle » relâchés, les suspects mis de côté pour être orientés vers un camp, une prison, ou directement l’Allemagne, selon ce qui leur est reproché. C'est dire qu’il faut se montrer prudent, surtout en ville et dans les bourgs, éviter en particulier les rassemblements : On a vu des rafles organisées à la sortie d’un cinéma, ou même d’un bal de noce. ...Nous, les jeunes du bourg, avons pris nos dispositions pour éviter de se faire cueillir. Pour ma part, j’ai installé sous la fenêtre de ma chambre, une échelle qui doit me permettre de me sauver en cas de danger.... La rafle a bien eu lieu, de nuit, le 21 février 44 vers 3 heures du matin. Pour contrôler les habitations et leurs occupants, il fallait bien que les Allemands se fassent ouvrir les lieux. Ils y sont parvenus, avec leur discrétion habituelle, à grand renfort de vociférations et de coups de crosse dans les portes : « Oufrez ! »
En ce qui me concerne, l’opération a débuté par le haut de la rue de l’église. Le vacarme a réveillé les dormeurs ; j’ai pu suivre la progression de la soldatesque.. Le temps de m’habiller, de refaire mon lit,de me sauver par la fenêtre, de tirer l’échelle, j’étais dehors, prêt à m’éloigner. La maison précédant la nôtre était celle de la famille Haas, nos courettes arrière n’étant séparées que par un mur peu élevé (les deux maisons étaient situées rue de l'église). J’ai vu apparaître la tête de François Haas qui s’adressait à mi-voix, en breton, à ma mère « Dites à Louis qu’il se sauve, vite, les boches arrivent ! ». Je n’ai pas attendu ; J’ai décampé, gagné les jardins de Bouilloux-Lafont, récupéré au passage mon copain Norbert (Norbert Duigou, fils d'instituteur et membre du réseau de résistance), planqué dans les toilettes de l’école publique. ...quant à notre voisin, François Haas, il a été ramassé comme tant d’autres, ce qu’il n’avait pas prévu ! Toute la population mâle adulte s’est trouvée parquée sur les dunes du Trez. A partir du lever du jour, les papiers d’identité ont été contrôlés. Quelques réfractaires au STO, repérés et n’ayant pas d’alibi ont fait les frais de l’opération.... »
3 jeunes résistants locaux : Jeannot Creff à gauche, Norbert Duigou au centre et Yvon Monfort à droite. La vache n'a pu être identifiée.
Portrait de Louis Nicolas, 20 ans en 1942.
Extrait d'une lettre (datée 29 août 1991) de Ginette Capron, fille du Capitaine le Maurice Capron *, adressée à Louis Nicolas, résistant membre de la 7ème compagnie FFI.
* Maurice Capron, officier de réserve est à l'origine de la création du réseau de Résistance FFI dans le canton de Fouesnant. Arrêté dans la villa de Ty Mengleun à Bénodet, le 29 février 1944, incarcéré à la prison Jaques Cartier de Rennes puis transféré à Neuengamme en Allemagne où il décède à l'âge de 52 ans.
Le capitaine Maurice Capron (Archives familiales)
Impossible de ne pas mettre en relation cette rafle du 21 février et l'arrestation de Maurice Capron 8 jours plus tard.
Sincères remerciements à Yvonne Nicolas et Joseph Jourdren.
Bonjour,
merci Renan
depuis tout petit mon père, m'a parlé de ce jour, il a encore en mémoire
un officier Allemand avec des petites lunettes rondes qui était arrivé
au 28 rue du Meneyer, ils étaient au lit, Didine aussi
Et mon tonton Yves Le doare avait une carte trafiquée sur son age
du coup, il ne s'est pas retrouvé sur la dune.
voilà, c'est ce que Michel m'a toujours raconté
amicalement,
Franck
Merci Renan! c'est toujours passionnant. Rien à voir avec la guerre dont nous parle notre petit président.