Nous poursuivons ici le témoignage de Ginette, fille de Maurice et de Raymonde Capron, soeur de Georges et de Claude.
Fig 1 : Sur la plage du Trez, Ginette est assise tout à gauche et derrière elle, debout, Simone Le Ster.
Le 28 février 44, en fin d’après-midi, maman était seule à la maison à "Ty mengleun", quand la Gestapo est venue ; ils ont demandé à voir papa. Comme il n’était pas là , ils ont dit à maman qu’ils reviendraient le voir le lendemain matin. Le soir quand nous avons été réunis tous les 3 (Claude était au Lycée à Quimper où il avait une chambre) Maman a dit à Papa de partir ; il n’a pas voulu craignant que l’on nous arrête à sa place pour le faire revenir ; De plus, nous n’avions aucune possibilité de faire prévenir Claude (couvre-feu et pas de téléphone). de plus, se faire héberger (et par qui ?) était donner un risque à une autre famille. Papa a décidé des « les attendre ». Et puis ils ne m’enlèveront peut-être pas « disait-il à maman.
Fig 2 : la maison des Capron "ty mengleun" - la maison de la carrière - Vue prise de le tue du Meneyer. Cette maison était louée à la famille Dagorn qui à l'époque se trouvait à Madagascar et les Capron étaient des locataires réguliers. Ce sont pour ces raisons que Maurice Capron, plutôt que de rejoindre l' habitation de Douai, a préféré que sa famille reste en Bretagne. Maison située entre la rue du Meneyer à l'est, l'avenue de la plage au nord et le rue du phare à l'ouest.
Fig 3 : Maurice Capron à Ty Mengleun.
" Durant cette nuit, il m’a dit que si toutefois on l’arrêtait, il fallait que j’aille immédiatement dire à Claude à Quimper, qu’il ne revienne pas à la maison, puis aller à Pont l’Abbé avertir le capitaine Jaffret* de la gendarmerie. Tu pourrais peut-être savoir quelque chose par la gendarmerie de Pont l’Abbé.
Il fallait aussi prévenir le petit facteur (M. Guillermou) qui habitait près de la châtaigneraie de Penfoul etc …
Le 29 février vers 11h, ils sont arrivés ; ils ont vaguement fouillé le bureau de papa, puis ils lui ont interdit de nous parler et dit de préparer une petite valise avec objets de toilette. Papa avant de partir a demandé s’il pouvait nous embrasser. Ils ont dit oui mais sans nous quitter des yeux. Dans le Nord, on s’embrasse deux fois. 1 baiser sur chaque joue. En Bretagne c’est trois fois. Papa m’a embrassé trois fois, un baiser pour chacun de ses 3 enfants, c’était clair."
Puis ce fut le départ vers la prison St Charles de Quimper où Maurice Capron subit ce que l'on nomme "un interrogatoire musclé"...
Fig 4 "La prison St Charles à Quimper Kerfeunteun".
Les occupants avaient réquisitionné les bâtiments de cette institution scolaire et les avaient transformés en prison. Elle retrouvera sa vocation d'établissement scolaire par la suite. Photo prise à la Libération. Collection des archives départementales du Finistère.
Et après Quimper, ce fut la prison Jacques Cartier à Rennes.
Ce "capitaine Jaffret" manifestement Jaffray est resté tristement célèbre dans le pays bigouden. Interrogé sur ce gendarme, Serge Duigou, qui connait bien l'Histoire du secteur, nous apprend qu'en 1942, le résistant pont-l'abbiste Louis Lagadic, "Suite à une enquête menée par les Renseignements Généraux de Quimper, sous la direction du Commissaire Henri Soutif, est arrêté, le 16 octobre 1942, par les gendarmes français menés par le Maréchal-des-Logis-chef Jaffray." Louis Lagadic sera exécuté au Mont Valérien le 5 avril 1944. Il n'avait pas encore 22 ans. Sur le site Internet "Guerre et résistance en Pays bigouden" : "On se souvient que, dans la soirée du 30 avril 1942, les pneus des automobiles d’une formation allemande stationnée. à PONT L’ABBÉ, avaient été crevés au poinçon. En outre, le 2 mai suivant un attentat était commis contre un pont de chemin de fer nouvellement construit sur la ligne de chemin de fer allant de PONT-L’ABBÉ à TREGUENNEC. A la suite de cet attentat, huit employés de La SNCF avaient été arrêtés par les autorités allemandes puis relâchés. Les auteurs de ces attentats et sabotages ont été découverts et arrêtés avec le concours de la gendarmerie commandée par le Maréchal-des-Logis-Chef JAFFRAY. Ce sont les nommés LAGADIC Louis, GUENNEC Michel, STÉPHAN Marcel, CARIOU Laurent, LE FAOU Jean et DIQUÉLOU Pierre. Ces individus ont en outre reconnu s’être rendus coupables du sabotage d’une bétonneuse et d’une tentative d’incendie à l’usine RAPHALEN à PLONÉOUR-LANVERN." "Je ne sais pas ce qu'est devenu ce Jaffray à la Libération ni d'où il était originaire". Un résistant de la dernière heure comme il y en eu pas mal à l'époque ? La question reste posée.
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