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Photo du rédacteurRenan Clorennec

IL Y A 80 ANS (1)

Dernière mise à jour : 10 avr.

1944 - Derniers mois de l'Occupation et Libération du secteur. Aussi, nous a-t-il semblé judicieux de rappeler quels ont été les principaux évènements qui ont marqué cette période.

Nous débutons cette série par l'évocation de la rafle du 21 février, déjà traitée sur ce blog mais en y rajoutant de nouveaux éléments.


Alors que le Maréchal Rommel avait effectué une courte halte pour y déjeuner 3 jours plus tôt... (le 18 février donc)



Fig 1 : Le Maréchal Rommel à Lorient devant un tétraède (et sa maquette) à Lorient le 18 février 1944.


LA RAFLE DU 21 FEVRIER 1944


Les hommes de 16 à 60 ans* furent appréhendés vers 5 heures du matin à leur domicile et rassemblés dans la cour de l’Hôtel Bellevue. Un officier allemand leur apprit qu’un soldat avait été retrouvé mort la veille, à 400 mètres du bourg et un autre blessé. Puis vinrent les menaces, toujours les mêmes en pareilles occasions :

- « Si les coupables ne sont pas identifiés, des sanctions seront prises contre la population »

 Et comme personne ne semblait au courant de cette affaire, l’officier poursuivit dans un silence glacial :

- « Bien sûr, vous préférez croire tout ce que dit la radio anglaise ou américaine ; sachez cependant que nous sommes et resterons les vainqueurs. Ah ! Vous qui nous frappez dans le dos, vous oubliez que nous donnons notre sang pour la défense de l’Europe… et de la France. »

Vers 14 heures « les vainqueurs » libérèrent les otages, à l’exception de trois jeunes gens : MM Jean Le Nours, Yves Le Ster et Pierre Ragot.

Ils furent relâchés par la suite.

Archives départementales du Finistère- Fonds Alain Le Grand 208 J 90 Rapport des renseignements généraux


Fig 2 : Vue aérienne (1952) de l'hôtel Bellevue et de sa cour où furent rassemblés plusieurs dizaines de bénodétois (et au moins un enfant de 12 ans).


* Dans un témoignage oral, Joseph Jourdren, 12 ans à l'époque, et habitant la maison familiale de l'avenue de Kercréven, racontait avoir été sorti du lit par des soldats allemands, et accompagné son père, et avoir attendu attendu, debout dans la cour de l'hôtel, avant d'être relâché avec les adultes présents.





Voici ce qu’en dit Yves Corporeau qui se souvenait entendre son père évoquer cette journée.

"Les Allemands avaient assez vite sorti mon père du rang compte tenu de sa profession qui était nécessaire à la vie quotidienne de la population. (Il était boulanger rue de l'église).

La rafle avait bien sûr semé la panique dans les maisons du village où les épouses et mères ne savaient à quel saint se vouer en attendant le dénouement de l'affaire".


Témoignage de Louis Nicolas :

 »..A partir du moment où a été institué le STO, les troupes allemandes et la police françaises ont découvert une nouvelle manœuvre : Les rafles. Il s’agit de « ramasser » un grand nombre d’hommes, jeunes de préférence. Les identités des victimes sont vérifiées, les gens « en règle » relâchés, les suspects mis de côté pour être orientés vers un camp, une prison, ou directement l’Allemagne, selon ce qui leur est reproché. C'est dire qu’il faut se montrer prudent, surtout en ville et dans les bourgs, éviter en particulier les rassemblements : On a vu des rafles organisées à la sortie d’un cinéma, ou même d’un bal de noce. ...Nous, les jeunes du bourg, avons pris nos dispositions pour éviter de se faire cueillir. Pour ma part, j’ai installé sous la fenêtre de ma chambre, une échelle qui doit me permettre de me sauver en cas de danger.... La rafle a bien eu lieu, de nuit, le 21 février 44 vers 3 heures du matin. Pour contrôler les habitations et leurs occupants, il fallait bien que les Allemands se fassent ouvrir les lieux. Ils y sont parvenus, avec leur discrétion habituelle, à grand renfort de vociférations et de coups de crosse dans les portes : « Oufrez ! »

En ce qui me concerne, l’opération a débuté par le haut de la rue de l’église. Le vacarme a réveillé les dormeurs ; j’ai pu suivre la progression de la soldatesque.. Le temps de m’habiller, de refaire mon lit,de me sauver par la fenêtre, de tirer l’échelle, j’étais dehors, prêt à m’éloigner. La maison précédant la nôtre était celle de la famille Haas, nos courettes arrière n’étant séparées que par un mur peu élevé (les deux maisons étaient situées rue de l'église). J’ai vu apparaître la tête de François Haas qui s’adressait à mi-voix, en breton, à ma mère « Dites à Louis qu’il se sauve, vite, les boches arrivent ! ». Je n’ai pas attendu ; J’ai décampé, gagné les jardins de Bouilloux-Lafont, récupéré au passage mon copain Norbert (Norbert Duigou, fils d'instituteur et membre du réseau de résistance), planqué dans les toilettes de l’école publique. ...quant à notre voisin, François Haas, il a été ramassé comme tant d’autres, ce qu’il n’avait pas prévu ! Toute la population mâle adulte s’est trouvée parquée sur les dunes du Trez. A partir du lever du jour, les papiers d’identité ont été contrôlés. Quelques réfractaires au STO, repérés et n’ayant pas d’alibi ont fait les frais de l’opération.... »


Fig 2 : Norbert Duigou entre Louis Nicolas (à gauche) et Yvon Monfort (à droite).


Témoignage de Mme Boissel mère. (Madame Joseph Boissel était la mère de Jean, Germaine et Annie) et tenait un petit journal qui a été avec bonheur, transmis par la famille aux archives départementales).

" Lundi 21 février : " ce matin, à 6heures 20, nous avons été réveillés par des coups donnés à la porte d'entrée. Le temps d'ouvrir et 4 Allemands en tenue de patrouille, venus pour perquisitionner toutes les maisons du bourg et pour trouver des hommes. On leur a montré ma chambre mais ma vue leur a suffi et ils ont refermé la porte. On prétend qu'un marin avait été blessé par quelqu'un de Bénodet. C'était donc à titre de représailles. Les pauvres bougres, par un temps très froid, n'en menaient pas large. Enfin vers midi, sauf 4 jeunes, les autres ont été libérés.

Belle journée ensoleillée mais froide. Mr le vicaire est venu remercier pour lui avoir apporté café et pain".


Témoignage de Ginette Capron


Fig 3 : Extrait d'une lettre adressé à Louis Nicolas, résistant et membre de la 7° Compagnie FFI et datée 29 août 1991, par Ginette Capron, fille de Maurice *


  • * Maurice Capron, officier de réserve est à l'origine de la création du réseau de Résistance FFI dans le canton de Fouesnant. Il est absent de Bénodet ce 21 février. Arrêté dans la villa de Ty Mengleun , le 29 février 1944, incarcéré à la prison Jaques Cartier de Rennes puis transféré à Neuengamme en Allemagne où il décède à l'âge de 52 ans.


Et Ginette de poursuivre : " En rentrant, papa était très tendu ; il ne tenait plus en place. Durant cette semaine, il m'a demandé d'aller dans de drôles d'endroits pour rencontrer de drôles de gens, garçons et filles qui écoutaient avec beaucoup de sérieux de drôles de phrases apprises par coeur que je leur disais. J'avais 16 ans et j'ai demandé à papa s'il se payait ma tête. Il m'a répondu : "moins tu en sauras, mieux ça vaudra. Oublie et tais-toi !". Me taire, je l'ai fait ! Oublier, je n'ai pas pu ! "




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1 則留言


Quelle époque terrible ! J'imagine mon arrière grand mère vivant avec ma grand mère et l'ainé de mes oncles enfant ce jour là et la peur qu'elles devaient avoir... j'imagine aussi mon autre arrière grand mère dans le bas du bourg avec ma grande tante... Et elles n'avaient pas d'homme à domicile à ce moment là... Alors je ne peux imaginer la peur des familles qui elles, avaient des hommes à la maison qui devait être puissance ++++

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