En 1916, Serge Ferat, peintre cubiste et grand ami de Guillaume Apollinaire et Irène Lagut passent quelques jours à Bénodet probablement en été. On sait d'après une lettre de Max Jacob, que les relations ont été tendues entre les deux artistes lors de ce séjour. Max Jacob, sans doute le personnage central, celui qui est à l'origine du passage de ce couple en 1916 comme de celui de Guillaume l'année suivante.
Portrait de Guillaume Apollinaire par Irène Lagut novembre 1916. Il porte les traces de sa trépanation après sa blessure à la tempe par éclat d'obus le 17 mars 1916 au "chemin des Dames". Sur sa poitrine la médaille militaire.
Serge Férat
Irène Lagut, qui vécut avec Picasso fin 1916, début 1917.
Après son opération, Guillaume reste dans l'armée et travaille à la Direction générale des services avec la Presse (la censure miliaire...). Fatigué à la suite de son opération, il obtient au mois d'août 1917 une semaine de permission et décide de rejoindre à Bénodet Irène Lagut, une habituée donc, et Amélia Kolb, sa future épouse, qui séjournent à l'hôtel des bains de mer, hôtel tenu par la famille Pennec.
La procession remontant "la rue de la poste" et passant devant l'hôtel des bains de mer.
Arrivé à Bénodet le 25 août, il écrit à son ami Serge Férat qu'il invite à venir les rejoindre, une carte postale
"J'aime à Bénodet dans l'Eglise
Notre DAME de Pitié
Moitié
Bleue et moitié couleur cerise
Tu n'as pas vu cette jolie statue et les figures grotesques du choeur
l'Eglise de Bénodet doit avoir été construite par les Templiers dont tu vois sur cette carte la croix pattée dite croix orientale" (en bas et à droite).
La carte dont il est question est une reproduction du tableau d'Eugène Buland réalisé en 1898 et se trouvant au musée des Beaux-Arts de Quimper, intitulé "visite à la vierge de Bénodet" et les deux personnes représentées sont d'une part Madame Furic qui tenait un commerce rue de l'église et le jardinier du grand Hôtel Hamon Le Clinche.
A propos de la piéta, on a vu précédemment ce qu'il en reste de nos jours.
Le 4 septembre 1917, Guillaume Apollinaire rentre à Paris non sans avoir effectué une petite visite aux parents de son grand ami Max Jacob qui tenaient commerce rue du Parc à Quimper (à droite sur le document).
Le 25 février 2020, dans un premier article consacré à Guillaume Apollinaire à Bénodet, il était écrit que "Max Jacob était sans doute le personnage central, celui qui est à l'origine du passage de Guillaume Apollinaire à Bénodet en 1917".
La découverte de deux cartes postales attestent formellement ce qui était à l'époque une très forte présomption.
Fig 1 : la première carte postale, le recto. Cette carte date du 17 août 1917 représente une scène animée devant les cabines de bain qui se trouvaient sur la partie Ouest de la plage. On peut y lire :
« Loin de la guerre atroce et des coups de canon
Bénodet ne sait pas celle-là qu'il préfère
La mer aux mille écueils ou sa tendre rivière
L'Odet plus douce encor que ne sonne son nom.
Guillaume Apollinaire »
Il s'agit là d'un passage de son poème « Bénodet », demeuré inédit à sa mort, et publié en 1952 dans le volume posthume Le Guetteur mélancolique.
Fig 2 : Le verso de la seconde carte postale datée du 17 août 1917 et adressée au libraire Camille Bloch. On peut y lire : "« Amitiés. Je rentrerai le 4 à Paris. Hommages à votre charmante femme... »
Fig 3 : seconde carte postale datée du 31 août 1917
"Il est écrit : "« J'ai été aujourd'hui à Quimper et j'ai fait connaissance de ta famille. Je crois bien que j'achèterai un lit transformé en bibliothèque. S'il va à la mesure du mur auquel je le destine. Je serai à Paris mardi. Viens me voir à Flore le soir. »
Fig 4 : Sur cette seconde carte postale adressée à Max Jacob, on peut lire au recto : « J'ai fait connaissance avec l'Odet qui est une charmante rivière ..."
Bénodet
Je vous aime ce soir où monte la marée
Bateaux de Bénodet à la voile azurée
Pêcheurs de Loctudy dont les filets d’azur
Se confondent avec la mer et le ciel pur
Cependant que l’Odet bleu comme une prière
Pâlit et que là-bas chaque phare s’éclaire
L’Odet
Est la plus bleue et la plus claire
Rivière
Loin de la guerre atroce et des coups de canon
Bénodet ne sait pas celle-là qu’il préfère
La mer aux mille écueils ou sa tendre rivière
L’Odet plus douce encore que ne sonne son nom
Mais le temps passe il faudra bien que tu t’en ailles
Laissant Quimper et le Comté de Cornouailles.
Guillaume Apollinaire, « Bénodet », écrit en 1917, apparaît dans…