Le départ des occupants allemands s'effectue dès le 10 août avec la fuite des dragueurs de mines. Le lendemain, le capitaine de réserve Jablonski qui commande l'unité allemande stationnée à Bénodet, donne l'ordre de détruire les 2 phares et le bac.
Le phare du Coq, partiellement détruit le 11 août
Le phare de la ¨Pyramide" sérieusement étêté le même jour.
Dès le 16 août un détachement de la Marine FFI d'environ 115 hommes s'installent à Bénodet sous le commandement de l'officier des équipage Hervé Friant originaire du Juch. Il est chargé prioritairement du "nettoyage" du port.
Le 21 août il dresse sous forme de croquis un état des lieux. La priorité qui apparaît clairement sur le document est le déminage de l'estuaire. Pour ce travail il pourra compter sur un vieux remorqueur qui sabordé sommairement au départ des Allemands (le 11 août donc)
sera très rapidement remis en état (le lendemain soir) par les ouvriers de "l'arsenal".
A droite du "Capri" dans le port de Lorient en 1947-1948, "le Jardeheu".
Il s'appuiera également sur ce petit chalutier de l'armement Donat de Ste Marine, "la Fée de l'Odet" au destin tragique. (Samedi 7 décembre 1946 : la vedette de tourisme « Fée de l’Odet », reconvertie en bateau de pêche pour la saison du hareng, était partie de Sainte-Marine le 5, en compagnie d’une autre vedette, la « Reine de l’Odet » et de la « Margaret » de Loctudy. Les trois bateaux ont été pris dans une forte tempête dans les parages des îles anglo-normandes pendant la nuit du jeudi au vendredi. La « Reine de l’Odet » est bien arrivée à Boulogne, la « Margaret » a pu se réfugier à Cherbourg, mais on reste sans nouvelle de la « Fée de l’Odet »).
Il conviendra également pour le commandant Friant de débarrasser l'estuaire de ce barrage flottant qui joignait au sud de la plage du Trez les rives de Ste Marine et de Bénodet.
Le 26 août le port de Bénodet est déclaré libre à la navigation !
Le 16 septembre 1944, Friant écrit au lieutenant-colonel Plouhinec chef des opérations pour lui signaler que "la plage du Trez entièrement déminé, est accessible. Le maire de Bénodet est prévenu qu’il peut faire prendre le bois qui a servi à bâtir de nombreux chevalets".
La plage du Trez avant enlèvement des chevalets de bois mais après déminage !!!
Famille Lahuec de Bénodet sur la dune. Les chevalets sont partiellement recouverts par la marée.
Samedi 16 SEPTEMBRE 1944 : la prise du cargo allemand « Rostock » ou quand l'Anglais dicte sa loi...
Le commandant Friant : Le samedi 16 septembre 1944 à 7h00 (heure locale) à bord de » la fée de l’Odet » je me trouve conformément aux ordres reçus du capitaine de Corvette Levasseur, à 4 milles dans l’W.S.W. del’île aux Moutons, dans l’attente d’une corvette britannique qui doit me prendre à son bord pour participer à l’attaque d’Audierne.
8H30- Rien en vue. Je décide de rentrer au port de Bénodet.
9H.00 Penmarch signale : 2 vedettes faisant route à l’Est. Nous partons à leur rencontre et apercevons au Sud de Rostolou les MTB 696 et 913.
10H00. Je monte à bord du MTB 696. Le commandant de ce bâtiment me fait part qu’il a des ordres de se rendre à Bénodet pour assister à une conférence et me demande de le piloter.
10H45. Un message téléphoné m’est transmis. Le libellé est textuellement le suivant :
De commandant de Marine Lorient. Vannes à Groupe Marine Bénodet.
« Cargo avec passagers allemands « Rostock » peint en blanc avec liston vert, insigne croix rouge, sort de Lorient. Stop. Il était au Sud de Doëlan à 6H42. Greenwich. Il faisait route Sud Est W. Sud Suroît W 20. Groupe Marine Bénodet. »
Je le communique aussitôt au lieutenant VANNECK de la Royal Navy, commandant le MTB 696 et lui propose de le conduire sur les lieux.
11K00. Appareillé. Le MTB713 prend ligne de file derrière nous. Vitesse 23 nœuds.
11H 45. Position : 3 milles dans l’Est de la Basse Jaune des Glénan. Route au Sud. Le 713 a ordre de prendre la ligne de front distance 1 000 mètres.
12H00. Aperçu un bouchon de fumée dans le SW. Mis le cap dessus. La fumée disparaît.
12H15. Nous reconnaissons le navire hôpital allemand « Rostock » et apercevons de groupes de militaires sur le pont. Ordre lui est donné de stopper.
Position : environ 20 milles dans le S.S.W. de l’île de Penfret
La croix rouge est bien visible sur l'arrière droit du Rostok, transformé en navire hôpital.
12H50. Le MTB 696 l’accoste part tribord pendant que le 713 le tient en respect du bord opposé. Un officier anglais monte à bord suivi de l’officier-marinier français qui m’accompagnait, Maître Radio LATUNER, interprète d’Allemand.
Je reste à bord de la vedette afin de piloter le convoi vers Bénodet, en passant hors de vue de Groix.
« Le Rostock » est immergé jusqu’à la ligne de flottaison. Il a 105 mètres de long et 6 mètres 70 de tirant d’eau. Il est donc trop fort pour entrer dans le port de Bénodet. Mon intention est de le mouiller dans l’anse à un demi-mille du TARO.
15h00. Route au Nord, vitesse 7 nœuds. Passé à l’ouest des Glénan.
16H45. Devant l’entrée de la passe Sud de Bénodet, le « Rostock » stoppe. Son commandant persuadé qu’un bâtiment a un tirant d’eau trop fort pour faire le chenal, refuse d’avancer. Ordre lui est donné de remettre en route immédiatement et de naviguer dans nos eaux.
17H10.Le « Rostock » est mouillé à environ 2 M.5 dans le SSE du grand phare de Bénodet.
D’accord avec le commandant du MTB 696, je rentre au port pour y prendre quelques hommes afin d’assurer la garde du » Rostock ».
17H28. Je monte à bord du navire hôpital avec les marins et 2 sans arme. Les armes (4 mitraillettes et un révolver) m’ont été gracieusement prêtées par les anglais.
17H30. Le pavillon allemand est amené. Nos couleurs flottent à la corne du « Rostock ». Le commandant et son Etat-Major protestent, mais se tiennent à ma disposition à la passerelle. Les marins armés sont placés sur les superstructures de façon à contrôler tout le pont qui est encombré de militaires allemands de toutes armes. Beaucoup portent des pansements.
17H50. 3 contre-torpilleurs sont en vue dans le SW à l’horizon.
19H05. Les 2 vedettes sortent du port de Bénodet et se dirigent vers un des contre-torpilleurs qui paraît stoppé au Sud de la Basse de Rostolou.
19H15. Un des vedettes accoste le « Rostock » et y débarque une garde d’une vingtaine de marins anglais provenant du destroyer. Le lieutenant qui commandait cette garde me fait part qu’il a des ordres émanant de l’amirauté de Plymouth lui enjoignant de conduire le navire hôpital dans ce port. Cet ordre m’est confirmé par le commandant du MTB 696 (1). Je lui demande de parler au commandant du groupe de destroyers.
19H 30. Appareillage du « Rostock ». La mer ayant baissé et le balisage inexistant, j’ai dû piloter moi-même pour la sortie du chenal.
20H30.Stoppé près du contre-torpilleur HMS « URANIA ».
20H 35. Mes hommes débarquent du « Rostock ». Je donne ordre de rentrer nos couleurs.
le HMS "URANIA"
20H40. Je monte à bord du destroyer « URANIA ». Le commandant de ce bâtiment me remet copie du message lui ordonnant de convoyer le « Rostock » à Plymouth.
21H 00.Je rentre à Bénodet, pilotant les 2 vedettes.
Dimanche 17 septembre
Peut-être pour mieux faire passer la pilule aux FFI Marine, qui avaient perdu la veille leur trophée (en l'occurrence le Rostock), la Royal Navy en ce beau dimanche de septembre organisera une visite de ses vedettes torpilleurs rapides MTB (Motor Torpedo Boat).
Opération séduction de la Royal Navy, cale de Bénodet
les bigoudènes avaient fait le déplacement en nombre
Tout le monde semble admiratif !
Sincères remerciements à Colette Lahuec. Sources : archives départementales du Finistère. Photos : imperial war museum
Quand l'art de l'historien est bien de réunir des informations éparses pour construire le récit d'événements passés.
Et quand l'histoire de Benodet est aussi notre histoire...
Merci encore Renan.